top of page

Les gens qui meurent le font
parfois exprès

Création Théâtre Octobre 2024

Texte et mise en scène : Céline Balloy
Avec Gérald Izing, Didier Kerckaert, Eulalie Poinsignon

LE PITCH

À 66 ans, atteint d’une maladie incurable, Jacques prend la décision de mourir. Mourir en beauté avant de ne plus en être capable. Dans un dernier élan de vie, il entreprend un ultime road trip avec sa fille Claire. Ce n’est pas un sujet triste. C’est une histoire surprenante, drôle, touchante et empreinte de dignité, qui nous interroge : comment laisser partir quelqu’un que l’on aime ? Comment l’aider à mourir, même si c’est interdit ? Comment trouver le pardon ? C’est une histoire qui pourrait encore se dérouler en France, inspirée par des témoignages et des récits marquants.

Avec les soutiens de la ville de Lomme, le département du Nord,

la région Hauts-de-France.

LA GENÈSE

Je m’appelle Céline Balloy. J’ai toujours écrit, d’abord comme journaliste, avant de me mettre ma plume au service du spectacle vivant. J’écris sur des sujets qui me parlent et en lien avec l’actualité : les jeunes, la migration, la place des femmes, le travail, l’écologie.

 

La compagnie Théâtre Octobre dont je fais partie m’a demandé d’écrire un texte pour leur prochaine création.

 

L’année dernière, j’avais été touchée par un reportage entendu sur France Culture sur des jeunes femmes qui avaient accompagné leurs grands-mères à mourir. Ça se passait en Belgique, où l’euthanasie est autorisée depuis 2002. Ces trois histoires étaient à la fois belles et d’une grande humanité. 

 

J’ai proposé d’écrire sur le sujet d’autant qu’à cette époque on parlait d’une nouvelle loi qui allait être votée en France sur la fin de vie. 

Plusieurs pays occidentaux, dont certains voisins, ont déjà légiféré sur la question de la fin de vie (Belgique, Suisse, mais aussi Espagne, Autriche, Suisse, Pays-Bas, Luxembourg, Canada, certains États américains...). Ils autorisent l'euthanasie et/ou le suicide assisté. 

 

Au moment où j’écris ces lignes, la loi française n’a pas encore été votée mais les députés ont pu débattre du projet de loi en première lecture jusqu'au 7 juin 2024, avant que leurs travaux s'interrompent à la suite de la dissolution de l'Assemblée nationale le 9 juin 2024.  Les parlementaires ont donc déjà planché sur le projet afin de définir quelle aide à mourir sera autorisée demain. Le modèle français devrait être un mélange entre le modèle suisse (le suicide assisté) et le modèle belge (l’euthanasie).

 

Je me suis beaucoup documentée sur la fin de vie afin d’être capable de me faire ma propre opinion avant de me lancer dans l’écriture de ce vaste projet. « Mais qu’est-ce qu’il m’a pris d’écrire sur un sujet aussi ardu ? ». La tâche est effectivement difficile, mais elle en vaut la chandelle. 

 

Jamais je n’ai écrit de sujet aussi délicat. Tout l’enjeux de ce projet est d’aborder la mort sans écrire un texte ni triste ni larmoyant. 

 

L’objectif était d’être dans le vrai, au cœur de la vie - et la mort fait partie de la vie - à l’image de tous les témoignages reçus.​​

LES SOURCES : DES TÉMOIGNAGES 

J’ai donc lu beaucoup d’histoires dans des livres, sur internet, à propos de gens qui avaient fait le choix, clandestinement, de se donner la mort pour échapper aux souffrances. J’ai aussi fait des rencontres de personnes, confrontées de près à cette réalité, et qui ont témoigné de leur expérience et ressenti.

 

Ainsi je me souviendrai longtemps de Vinciane, belge, qui a accompagné sa maman dans le choix de l’euthanasie. Une décision qui avait été mal acceptée au prime abord par son père et une partie de ses frères et sœurs, lesquels ne comprenaient pas ce choix de partir avant son heure.

 

Mais la lutte était si douloureuse que chacun avait fini par comprendre que ce geste soulagerait la maman et soulagerait aussi l’ensemble de la famille qui n’aurait pas à subir la douleur. « C’est un cadeau qu’elle nous a fait », m’explique Vinciane. « Une dernière preuve d’amour ». 

 

J’ai aussi rencontré deux psychologues qui travaillent en soins palliatifs à l’hôpital et sont confrontées au quotidien à la fin de vie. Aucune histoire ne se ressemble. Il y a les familles unies, celles qui se déchirent, celles qui sont inexistantes au chevet du mourant, celles qui révèlent des secrets. « On entend les confidences, le fils n’est pas celui de son père, une fille a une demi-sœur. », raconte Marie-Virginie, psychologue à Tourcoing.

 

Heureusement, parmi les histoires qui me sont parvenues, il y a celles où l’amour guide jusqu’à la fin les personnes en fin de vie. Comme si cette fin de vie programmée était une occasion unique de se parler, de se dire les choses, de se dire aurevoir. 

 

J’ai également posé mes questions à un médecin urgentiste afin d’avoir son avis sur le sujet : que se passe-t-il quand une personne demande à mourir ? En France, les médecins de l’hôpital semblent habitués à accompagner les mourants. « Parfois, on donne une dose un peu plus forte, pour accélérer le processus quand la mort est inévitable ; c’est notre travail, on n’attend pas une loi pour accompagner les malades dans leurs derniers instants ».

(Merci T, pour ton oreille attentive, tes conseils, ton expérience de médecin à l’écoute de tes patients, et tout ce que tu m’as raconté sur les réalités de ton métier.) 

UNE ZONE GRISE

J’ai compris qu’il y avait cette zone grise, où le patient est entre la vie et la mort. Une zone où il peut être raisonnable de laisser le médecin agir entre la sédation terminale, les soins palliatifs, l’arrêt de tout traitement, le coup de pouce qui entrainera la mort, au contraire de tout acharnement thérapeutique. 

 

Pourtant, à l’heure où j’écris ces lignes, aider quelqu’un à mourir est interdit par la loi et les médecins qui pratiquent l’euthanasie prennent des risques. En attendant que le projet de loi sur l’aide à mourir soit voté, seule la loi Clayes-Leonetti de 2016 est censée s’appliquer : à la demande du patient afin d'éviter la souffrance et une prolongation inutile de sa vie, une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience peut être administrée jusqu'au décès, associée à une analgésie et à l'arrêt des traitements. Car « toute personne a droit à une fin de vie digne et apaisée. »

 

De même, comme le rappelle mon personnage, Jacques, « les choses ont un prix et les hommes ont une dignité » (Kant). Ce mot de dignité est sans arrêt revenu dans les témoignages de personnes qui demandaient à mourir. « On ne peut pas nous refuser cette douceur-là » (Alain Finkielkraut)

DES QUESTIONS

Pendant la rédaction de cette pièce, je me suis posée beaucoup de questions auxquelles j’ai trouvé des réponses grâce à mes lectures et rencontres. 

Comment on dit au revoir à quelqu’un qui va mourir ?

Comment on dit au revoir à une personne que l’on aime ?

Est-ce qu’on organise son enterrement de son vivant (la cérémonie, le choix du cercueil) ?

Est-ce que le jour de sa mort, on organise des préparatif (sa tenue, champagne, musique, repas)

Est-ce qu’on croit en Dieu ou à une vie après la mort ?

Est-ce qu’on fait son testament ?

Est-ce qu’on range, trie, donne ses affaires ?

Est-ce qu’on achète des cadeaux à tout le monde ?

Comment on annonce son envie de mort programmée ?

Comment est célébrée la mort dans certaines tribus ?

Si tu pouvais revivre 24h sans maladie, que ferais-tu ?

Est-ce que les gestes du bassin, des toilettes, de la toilette ne sont plus dérangeants pour les accompagnants et le malade ?

De quoi ont peur les mourants ? 

Est-ce que la mort fait peur ?

Qu’est-ce qu’une sédation profonde et continue ?

Qu’est-ce que les directives anticipées ? (Comment veut-on mourir ?)

  • Au fur et à mesures de mes rencontres, lectures et reportages visionnés, j’ai peu à peu compris ce que les gens enduraient à travers leur choix d’en finir de leur vivant. 

« Quand tout le monde a été d’accord par son choix, elle était sereine,

elle pouvait partir tranquille. »

« Si la maladie ne m’emporte pas plus tôt, j’aimerais qu’on m’aide

à ne pas rater ma bonne mort. »

 

  • Il y a ces témoignages déroutants de personnes qui racontent comment, bravant l’interdit, ils ont aidé un proche à mourir. 

 

« Je me revois sur mon scooter, me rendant à la pharmacie pour acheter

la mort de l'homme que j'aime le plus au monde »

(Nicolas Bedos à propos de son père Guy Bedos)

 

  • Ou de celles qui ont parfaitement programmé leur mort suite à une maladie dégénérative. 

 

« Ça fait plusieurs années que j’y pense. Je vais aller en Belgique la veille,

je dors sur place et le lendemain matin une piqûre pour un dernier sommeil. »

(Kevin, à peine 30 ans, atteint par la maladie d’Huntington)

 

« En vrai, je nique la maladie, je pars avant »

(Chana, 16 ans, maladie d’Huntington)

QUELLE FIN POUR LA PIÈCE ?

Comment finir cette pièce ? Quelle issue plus ou moins triste ou chargée d’espérance et de réflexion ? Au début, je n’avais pas envie d’écrire une fin triste, jugeant le projet déjà assez sombre. « Mais parfois les gens ne se pardonnent pas avant de mourir », m’explique Colette-Madeleine, psychologue. « J’ai déjà eu le cas d’une dame qui avait refusé d’aller à l’enterrement de sa fille ». 

 

Alors, à défaut d’une happy end, j’ai imaginé un fils, qui revient vers son père, mais trop tard. Il est déjà mort. Cette dernière tentative de réconciliation est un geste d’humanité qui offre aux gens la possibilité de réfléchir. « Sinon, on se dit que le fils est complètement con », conclut Colette Madeleine.  

 

Cette fin sera l’occasion pour chacun de s’interroger sur ses propres relations familiales et de se demander, à la place du fils, qu’est-ce que j’aurais fait ? 

EN APARTÉ

LES APÉROS DE LA MORT

 

Créer une pièce sur un sujet aussi sensible était un pari osé : parler de la fin de vie, de l’euthanasie pratiquée clandestinement et interdite, ou tout simplement parler de la mort n’est pas facile. 

 

Car parler de la mort dans notre société est synonyme d’échec. La mort devient un sujet tabou, peu librement abordé, qui fait peur. 

 

Les gens ont d’ailleurs peu l’occasion de parler de la mort. Les veillées funéraires, qui tenaient se rôle dans le passé, se perdent.

 

Pour pallier à cela, un médecin suisse a imaginé les apéros de la mort*. Un endroit où les gens confrontés au sujet se retrouvent autour d’un verre pour parler librement de ce que la mort signifie pour eux ; il peut s’agir de sa propre mort, comme celle d’un proche. 

 

Le rendez-vous est donc pris : je me rends à mon premier apéro de la mort, à Lille, dans un bar, pour discuter de ce sujet avec d’autres personnes. 

 

*Le concept du café Mortel est né en 2004 en Suisse. Bernard Crettaz, sociologue et anthropologue suisse, souhaitait renouer avec la tradition païenne des repas de funérailles, où les vivants resserraient leurs liens tout en lâchant ce qu’ils avaient sur le cœur. Il entendait ainsi pallier les lacunes d’une société du bonheur et de la consommation obligatoires, qui a chassé la mort des représentations et des discours, obligeant ceux qui restent à s’enterrer avec leurs secrets.

"Dans cette communauté provisoire, on peut tout ou ne rien dire ; (…) On n'est obligé à rien et c'est pour cela qu'on peut beaucoup se permettre y compris d'immenses éclats de rire comme dans les repas d'enterrements ou les fêtes mortuaires", écrit-il.

 

CE QUE PREVOIT LA NOUVELLE LOI SUR LA FIN DE VIE

 

En France, le projet de loi sur la fin de vie a été interrompu suite à la dissolution de l’assemblée nationale le 9 juin 2024.

Avant d’être interrompus, les députés avaient autorisé la mise à disposition à une personne qui le demande d’une substance létale, pour qu’elle se l’administre elle-même ou, si elle n'en est pas capable, se la fasse administrer par un médecin, un infirmier, mais pas par un proche ou une tierce personne, comme initialement proposé, estimant que cet acte pouvait entraîner un traumatisme émotionnel et une charge psychologique considérables. 

Au cours des discussions, les députés ont modifié les conditions à remplir par le malade demandant l'aide à mourir. Les personnes qui pourront demander cette aide devront être :

  • Majeures.

  • Françaises ou résidents étrangers réguliers et stables en France.

  • Aptes à manifester leur volonté de façon libre et éclairée.

  • Atteintes d’une maladie grave et incurable avec un pronostic vital engagé, en phase avancée ou terminale et non plus à court ou moyen terme comme initialement présenté. 

  • Victimes de souffrances réfractaires (qu'on ne peut pas soulager) ou insupportables. Le caractère insupportable de la douleur devra être appréciée par le patient uniquement. 

SCÉNOGRAPHIE ET SONS

La scénographie est confiée à Johanne Huysman pour créer un lieu qui évoque l’univers de Jacques. Tel un voyage intérieur avec sa conscience et son questionnement sur la vie, il mène aussi un voyage extérieur avec sa fille en bord de mer. Le spectateur est à la fois plongé dans la tête de Jacques qui s’interroge sur le sens de sa vie, et suit les aventure ce duo père-fille à travers ce dernier road trip.

 

A la fois poétique et réaliste, la scénographie est accompagnée d’éléments sonores (création d'Alex Rabozzi) qui nous transporte dans un univers à la fois onirique et réaliste. Véritable 4ème personnage de la pièce, le son joue le rôle de la conscience de Jacques qui dialogue avec lui-même.

EXTRAIT

 

Jacques : Tu sais Claire, je me disais, plus tard, je ne veux pas être un fardeau pour vous. 

Claire : Qu’est-ce que tu racontes, t’en n’es pas là !

Jacques : Oui, mais c’est bien d’y penser maintenant. Tu vas avoir une famille… 

Claire : Je ne vois pas où est le problème.

Jacques : Je ne veux pas être une charge. Si par hasard je devenais très malade. Je veux partir avant. 

Claire : Ça veut dire quoi partir avant ?

Jacques : J'ai décidé de mettre fin à mes souffrances si elles devenaient insupportables. 

Claire : De quelles souffrances tu me parles ? Tu viens de me dire que tes analyses étaient bonnes ?

Jacques : Oui, mais si mon état se dégradait.

​​

Claire : OK, tu es malade. Mais tu n’es pas très malade ! ​C’est gai pour un anniversaire ! Tu as d’autres nouvelles à partager ?

Jacques : J’ai vu ta mère mourir à petits feux, je ne veux pas vivre ce qu’elle a vécu. 

Claire : On a encore beaucoup de temps à passer ensemble, papa. D’ici là on aura fait des progrès, on trouvera d'autres traitements, t’as pas envie de te battre ? 

Jacques : Je sais que tu ne veux pas l’entendre, mais promets-moi que tu respecteras ma décision. Ça demande aussi du courage d’organiser sa mort. 

Découvrez le teaser

Photos et teaser : Florentin Lopacinski

Le dossier complet c'est par ici !

bottom of page